jeudi 10 avril 2014

La guerre allemande: Sadowa, la bataille pour l'Allemagne.

La bataille de Königgrätz, plus connu en France sous le nom de Sadowa, est l'une des batailles les plus décisives pour l'histoire de l'Europe au 19e siècle. Si sur le plan militaire elle fut une démonstration de la puissance de l'armée prussienne, elle préfigure certains changements fondamentaux dans l'art de la guerre liés au progrès technique. Comme les batailles du passé elle se déroule sur un espace restreint où s'affrontent néanmoins plus de 450 000 hommes. Dans ce périmètre, l'artillerie autrichienne parvient à maintenir une cadence de tir jamais vue auparavant, prélude au tir de barrage de masse de la Grande Guerre. La cavalerie, reine des batailles jusqu'alors, joue encore une rôle non négligeable notamment la cavalerie autrichienne qui parvient à enrayer l'avance victorieuse de l'infanterie prussienne mais les jours de ces régiments sont comptés face à la rapidité de tir des fusils prussiens.

David FRANCOIS



Une guerre voulue par Bismarck.
Bataille majeure donc, Sadowa est le résultat d'années de manœuvres politiques. Au milieu du 19e siècle, la Prusse, considérée jusqu'alors comme la puissance faible de l'Allemagne, entame un développement irrésistible. Cette renaissance est en grande partie l'œuvre d'un homme, Otto von Bismarck, le Chancelier de fer. Bismarck souhaite asseoir l'hégémonie de la Prusse sur l'ensemble de l'Allemagne et réaliser son unification autour de Berlin. Pour atteindre ce résultat il va employer toute son habileté. Son premier objectif quand il arrive au pouvoir en 1862 est donc la création d'un État allemand dirigé par la Prusse et excluant l'autre puissance germanique, l'Autriche. Cette solution au problème de l'unité allemande qui agite l'ensemble de l'espace germanique depuis 1815 est justifiée par le refus autrichien de se séparer des vastes territoires non-allemands que dirigent les Habsbourg. Pour arriver à ses fins, Bismarck utilise toutes les ressources de son génie politique mais il sait que l'unification allemande se jouera en dernier ressort sur les champs de bataille.

Bismarck sait que son adversaire est un géant aux pieds d'argile. La défaite autrichienne en Italie en 1859 laisse à penser que ce ce que le petit Piémont, allié à la France, a réalisé pour unifier l'Italie peut être fait pour créer une confédération allemande sous le contrôle de la Prusse. Sa politique repose également sur un vigoureux programme militaire. Pour cela il sait qu'il peut compter sur le talent d'Helmut von Moltke le chef de l'état-major prussien.

Bismarck inaugure alors une série de manœuvres diplomatiques qui vont conduire inéluctablement à la guerre avec l'Autriche. En 1864, la Prusse et l'Autriche se sont alliés pour faire la guerre au Danemark. L'enjeu du conflit ce sont les territoires disputés des duchés de Schleswig et de Holstein. Le conflit se termine rapidement par la victoire des puissances germaniques mais ces dernières se déchirent aussitôt concernant le sort des duchés danois. Finalement l'Autriche obtient le Schleswig et la Prusse le Holsteïn. Cette brouille entre les deux pays est plus ou moins orchestrée par Bismarck qui cherche ainsi un prétexte pour un futur conflit. Mais il se rend vite compte que la Prusse n'est pas encore prête pour une guerre contre l'Autriche et en 1865 il accepte de discuter avec les Autrichiens lors de la conférence de Gastein, essentiellement pour gagner du temps. Il lui faut surtout convaincre Moltke de commencer les préparatifs pour une guerre contre l'Autriche.

Le général n'est en effet guère favorable à une guerre tout comme Guillaume 1er, le roi de Prusse. Bismarck tente de lever leurs appréhensions en concluant une alliance avec l'Italie. Cette dernière dont l'unification s'est réalisée en grande partie contre l'Autriche, revendique encore des territoires sous contrôle autrichien, notamment la Vénétie, et accepte donc de s'allier avec la Prusse pour y parvenir. 

Mais il reste pour Bismarck à régler le problème français. La France, la puissance alors dominante en Europe, est prête à intervenir dans n'importe quel conflit en Europe si elle estime qu'il met en cause son hégémonie. Pour amadouer les Français, Bismarck rencontre donc Napoléon III. Il sait que l'échec de l'intervention française au Mexique à ébran l'empereur des Français. Il lui fait donc de vagues promesses sur de possibles compensations et réussit ainsi à l'amadouer. Il parvient également, par des moyens diplomatiques, à neutraliser la Russie. L'Autriche se retrouve alors isolée en Europe et la Prusse peut entamer les hostilités en position de force. Ce sont pourtant les Autrichiens qui vont mettre le feu aux poudres.

Le 1er juin 1866, l'Autriche propose lors de la réunion de la Confédération germanique, qu'elle contrôle depuis sa création en 1815, de placer les deux duchés danois sous administration confédérale. Pour Bismarck c'est là une occasion de rompre avec l'Autriche. Les Prussiens répondent alors que les Autrichiens brisent l'accord conclu à Gastein et revendiquent pour eux seuls la souveraineté sur les deux duchés. Pour appuyer cette prétention et rendre la rupture irréversible, le 7 juin, 12 000 soldats commandés par Edwin von Manteuffel pénètrent dans le Schleswig et chassent sans difficulté les garnisons autrichiennes. Face à ce coup de force l'Autriche demande à la Confédération de déclarer la guerre à la Prusse. C'est à une faible majorité, neuf voix contre six, que, le 14 juin, la guerre est votée.



Les forces en présence.
Malgré les réformes entreprises après le désastre de la campagne italienne de 1859, le conflit de 1866 va démontrer le décalage entre la puissance théorique de l'armée autrichienne et une réalité qui se traduit par la difficulté de mobiliser suffisamment d'hommes bien entraînés pour une guerre sur deux fronts ainsi que les méthodes archaïques de commandement et de tactique des Autrichiens. Théoriquement, l'armée autrichienne, qui repose sur la conscription, peut compter sur 10 corps d'armée de 83 000 soldats chacun. Mais les régiments italiens sont rapidement éloignés des champs de bataille à partir de l'entrée en guerre de l'Italie, afin d'éviter les désertions. L'Autriche ne disposant pas de milices locales, comme la Landwehr prussienne, pour garder les forteresses ou servir à l'arrière du front, ce sont des troupes régulières qui sont détournées du combat pour réaliser ces taches. De nombreuses professions sont également exemptes du service militaire. Au total, l'Autriche ne dispose que de 320 000 combattants mais elle n'aligne face à la Prusse que 240 000 hommes puisque 80 000 doivent faire face aux Italiens. Sur les 10 corps d'armée, 3 se trouvent donc sur le front italien pour former l'armée du Sud. L'armée du Nord, qui fait face aux Prussiens est placée sous le commandement du populaire feld-maréchal Ludwig von Benedek. Elle comprend les 1ere, 2e, 3e, 4e, 6e, 8e et 10e corps d'armée ainsi que les 1ere et 2e divisions de cavalerie légère, les 1ere, 2e et 3e divisions de cavalerie de réserve et la réserve d'artillerie. Benedek peut également compter sur le corps d'armée saxon avec ses 1ere et 2e divisions d'infanterie et sa division de cavalerie. L'armée du Nord comprend ainsi 90 000 hommes auxquels s'ajoutent les 25 000 de l'armée saxonne.

Soldats de l'armée autrichienne (source: wikipedia.org)

Sur le plan de l'organisation, les armées autrichiennes ne sont pas découpées en division, à l'exception de la cavalerie, mais en corps d'armée. Un corps d'armée autrichien se compose de 4 brigades d'infanterie et d'un régiment de cavalerie légère. Chaque brigade comporte deux régiments et un bataillon de Jäger (chasseurs). Ces brigades manœuvrent au niveau des bataillons en denses colonnes de 1 000 soldats qui sont lancées à l'attaque, baïonnettes au canon, selon les méthodes déjà employées à l'époque napoléonienne. L'armée autrichienne dispose néanmoins d'une artillerie moderne et de bonne qualité. 

La Prusse entre en guerre avec 9 corps d'armée, chacun comprenant deux divisions d'infanterie et une réserve d'artillerie. Chaque division a 4 régiments d'infanterie, 4 batteries d'artillerie et 4 escadrons de cavalerie ce qui fait au total 15 000 hommes, 600 chevaux et 24 canons. Les fantassins sont dotés de fusils Dreyse qui peuvent tirer de 5 à 8 coups à la minute et se rechargent par la culasse, ce qui représente un net avantage puisque les soldats n'ont plus besoin de se relever pour charger leur arme et sont donc des cibles moins faciles à atteindre. La cavalerie et l'artillerie sont les points faibles de cette armée. Cette dernière, délaissée, n'a pas reçu de fonds suffisants. Elle dispose en petite quantité de canon en acier se chargeant par la culasse, mais ces pièces chauffent vite et doivent donc cesser de tirer pour refroidir après seulement quelques coups. La cavalerie quant à elle n'est utilisée que pour des taches subalternes devant les lignes ou pour des reconnaissances. Au début des hostilités la Prusse possède donc une armée de 350 000 hommes dont 250 000 partent se battre contre les Autrichiens. 

Soldats de l'armée prussienne (source: wikipedia.org)

Si la mobilisation rapide de l'armée autrichienne a surpris les Prussiens, Moltke est capable de rattraper ce retard. Pour cela il utilise habilement le réseau ferré prussien pour masser ses troupes sur un arc de cercle allant de la Silésie à la Saxe. Il dispose alors de 3 armées pour marcher contre l'Autriche. La 1ere armée comprend les 2e, 3e et 4e corps d'armée tandis que la 2e armée regroupe les 1er, 5e et 6e corps d'armée ainsi que la Garde. Chaque corps comprend deux divisions et une réserve d'artillerie. Seule l'armée de l'Elbe ne correspond pas à ce schéma puisqu'elle compte 3 divisions, 3 brigades de cavalerie et une réserve d'artillerie. Cette armée commandée par le général Karl von Bittenfel, avec 45 000 hommes, se trouve autour de Halle et Zeitz sur la frontière saxonne, la 1ere armée, avec 94 000 soldats, du prince Frédéric-Charles à Torgau et Kottbus et les 120 000 hommes de la 2e armée du Konprinz Frédéric-Guillaume, qui comprend le corps de la Garde, se trouve à Landshut et Reichenbach en Silésie. 

 La campagne de 1866 (source: wikipedia.org)



Premiers combats.
Ne voulant pas apparaître, aux yeux de l'Europe, comme les agresseurs, les Autrichiens adoptent un plan essentiellement défensif, en partie élaboré par le chef du bureau typographique, le général Gideon von Krismanic, un spécialiste de la défense de la Bohême. Ce plan repose la constitution d'une position défensive centrée sur la ville fortifiée d'Olmutz en Moravie qui doit théoriquement protéger Vienne. Cette posture défensive initiale empêche néanmoins toute velléité de profiter de l'avantage gagné par la rapidité de la mobilisation pour prendre l'initiative. Les Autrichiens laissent donc l'initiative aux Prussiens. 

Le 15 juin, les troupes prussiennes du général Vogel von Falckstein balayent l'armée du Hanovre et isolent la Bavière mettant ainsi hors combat deux alliés de l'Autriche. Le 16, l'armée de l'Elbe entre en Saxe, autre pays allié à l'Autriche. Le Konprinz de Saxe, Albrecht, retire son armée derrière l'Iser pour établir la liaison avec le 1er corps d'armée autrichien du général Eduard Clam-Gallas. Benedek place alors le commandement de ce corps d'armée sous la direction d'Albrecht et lui ordonne de tenir ses positions devant la ville de Gitschin. Il concentre alors ses forces à Josefstadt pour ensuite venir en aide à Albrecht. Moltke ordonne aux 1ere et 2eme armée de marcher sur Gitschin. Il court alors le risque qu'une des armées avance plus rapidement que l'autre permettant à Benedek de détruire les troupes prussiennes les unes après les autres. Mais le 29 juin, Albrecht ne voyant arriver aucun renfort autrichien, est obligé d'engager le combat contre les troupes de Frédéric-Charles pour parvenir à se retirer, ce qu'il réussit à faire mais en subissant de lourdes pertes.

Benedek est alors persuadé que la 2e armée prussienne se trouve bien plus au nord qu'en réalité et qu'elle ne constitue donc pas une menace. Après les batailles de frontière à Nachod, Trautenau et Eypel la chance de tomber sur l'armée du Konprinz Frédéric-Guillaume au débouché d'un col de montagne se réduisent de plus en plus. Il aurait fallu pour cela faire marcher en avant le 4e et le 7e corps et envoyer quelques brigades fermer les défilés ce qui aurait permis de retarder la marche de la 2e armée prussienne et d'attaquer l'armée de Frédéric-Charles avec des forces supérieures en nombre. A Trautenau, le 10e corps du général Ludwig von Gablenz a ainsi repoussé le 1er corps prussien, mais isolé, il ne peut répéter à nouveau ce succès et il est battu à Prausnitz par le corps de la Garde prussienne. Benedek se rend compte qu'il a ainsi perdu une opportunité de vaincre la Prusse mais il croit encore dans ses possibilités de remporter une bataille défensive sur les hauteurs entre la Bistritz et l'Elbe.

Deux jours avant la rencontre décisive, l'archiduc Guillaume d'Autriche, inspecteur général de l'artillerie, reconnaît le champ de bataille et place ses canons de manière à ce qu'ils disposent d'un champ de tir dégagé tout en indiquant également les meilleurs emplacements pour son excellent canon rayé. L'artillerie autrichienne se concentre alors sur les hauteurs de Lipa et Chlum où les batteries sont placés en gradins pour couvrir les approches de Sadowa et de la vallée de la Bistritz. Les forces autrichiennes sont divisées en 4 groupes. Au centre, entre Chlum et Lipa, le front est tenu par les 3e et 10e corps qui rassemblent 44 000 homes et 134 canons. Des unités sont placées en avant prés du pont de Sadowa afin d'en interdire l'usage. Sur la gauche les Saxons et le 8e corps, soit 40 000 soldats et 140 canons, tiennent les hauteurs entre Techlowitz et Problus, avec là aussi des avants postes pour interdire le franchissement de la Bistritz. L'aile droite est la plus faible avec les 55 000 hommes et 176 canons des 2e et 4e corps entre Chlum et Nedelist. Les flancs autrichiens sont chacun tenus par une division de cavalerie tandis qu'à l'arrière, entre Rosberitz et Wsestar, les 1er et 7 corps avec la cavalerie lourde et des unités l'artillerie forment une réserve de 47 000 fantassins, 11 000 cavaliers et 320 canons. La position autrichienne, un demi-cercle avec les deux flancs reposant sur l'Elbe, bien que solidement organisée, est extrêmement vulnérable à une manœuvre d'enveloppement par l'ennemi d'autant que l'axe de retraite autrichien, la route Sadowa-Königgrätz est aussi susceptible d'être facilement coupé.

 Prélude à Sadowa, le combat de Langensalza le 27 juin (source: wikipedia.org)

Le principal problème que rencontre alors Moltke est de savoir si la 2e armée du Konprinz arrivera à temps pour participer à la bataille. Ce dernier reçoit l'ordre d'avancer le plus vite possible pour attaquer le flanc droit ennemi mais ses avants gardes, le 6e corps et la division de la Garde sont encore loin du champ de bataille. L'armée de l'Elbe et la 1ere armée vont donc devoir affronter seul pendant 4 ou 5 heures le gros des troupes autrichiennes.

Le 1er juillet, les Prussiens ont perdu de vue l'armée autrichienne. Benedek a en effet demandé à ses troupes de traverser l'Elbe et de prendre position sur les hauteurs prés des villes de Königgrätz et de Sadowa. Au matin du 2 juillet, les éclaireurs prussiens retrouvent enfin la trace des Autrichiens. Moltke voit immédiatement l'opportunité de pouvoir encercler l'adversaire. Il ordonne donc au prince Frédéric-Charles de marcher en avant. Mais quand une patrouille de reconnaissance essuie un feu nourri de la part des Autrichiens, il se rend compte que l'heure de l'épreuve de force est arrivée. Il met alors rapidement un plan au point. La 1ere armée en liaison avec celle de l'Elbe doit attaquer les positions autrichiennes sur la rivière Bistritz le 3 juillet. La 2e armée doit accélérer sa marche pour soutenir le gros de l'armée et écraser les Autrichiens. Le plan est risqué puisque son succès repose sur l'arrivée à temps de la 2e armée sinon les Prussiens risquent d'être écrasés par des Autrichiens supérieurs en nombre.



Les débuts de la bataille.
Au matin du 3 juillet, les unités prussiennes marchent en direction de la Bistritz. L'objectif des hommes de Frédéric-Charles est de déborder les avant-postes autrichiens pour s'établir solidement sur la rive droite de la rivière et pousser l'assaut au cœur des positions ennemies. Surtout la 1ere armée doit tenir jusqu'à ce que la 2e armée arrive et fonde sur le flanc droit autrichien. Moltke ordonne donc à la 8e division d'avancer sur Sadowa tandis que les 3e et 4e divisions, tout en restant alignés sur la 8e division, avancent au sud vers Unter-Dohalitz et Mokrowous. Les 5e et 6e divisions doivent suivre la 8e tandis que la cavalerie maintient le contact avec l'armée de l'Elbe. Sur la gauche la 7e division du général Eduard von Fransecky qui ne dispose que d'un corps de cavalerie pour rester en contact avec le reste de la 1ere armée avance sur Benatek. Moltke octroie à von Fransecky un pouvoir de décision important pour mener sa division qui a pour tache essentielle et difficile de contenir l'ensemble de l'aile droite autrichienne sur ses positions en attendant l'arrivée de l'armée du Konrprinz.

A l'aile droite prussienne, l'armée de l'Elbe atteint Alt Nechanitz vers 8 heures et menace le corps d'armée saxon sur l'aile gauche autrichienne, obligeant Benedek a ordonner le repli sur de nouvelles positions autour de Probus. Quand ces troupes atteignent de nouvelles positions, les soldats de l'aile gauche ouvrent le feu sur les Prussiens qui avancent, puis l'artillerie prend également pour cible les soldats prussiens. Bittenfeld se montre prudent et ne souhaite pas que ces hommes traversent la rivière, craignant qu'ils ne se retrouvent isolés si les Autrichiens venaient à lancer une offensive contre le centre de l'armée prussienne. Vers 10h, les 7 bataillons de l'avant-garde du général von Schöler se retrouvent donc sans appui face à une attaque d'une brigade saxonne. L'armée de l'Elbe n'avance plus.

Au centre la 8e division prend Sadowa à 8h30 tandis que sur la droite la 4e attaque Unter-Dohalitz et que la 3e avance sur Mokrowous. Comme les Saxons, les Autrichiens se replient en bon ordre sur les hauteurs. Une fois les hommes installés, l'ensemble de l'infanterie et de l'artillerie ouvre le feu sur l'ennemi. Ce feu est dévastateur, la précision de l'artillerie et des fusils autrichiens décime les rangs prussiens dont l'avance est stoppée. La 3e division prussienne se retrouve sous le feu des canons ennemis placés entre Langenhof et Lipa. Les hommes sont alors contraints d'utiliser les arbres de la foret de Hola ou les ruines de Ober-Dohalitz pour se protéger. Certaines unités lancent des attaques désespérées contre la crête hérissée de canons autrichiens. Des bataillons entiers son anéantis par la puissance et la précision du feu autrichien. Devant ce spectacle le roi Guillaume 1er veut alors se rendre auprès de ses soldats pour les soutenir et c'est avec difficulté que son entourage le retient. Mais pendant ce temps les 8e et 4e divisions subissent une hécatombe.

 Les Prussiens à l'attaque (source: wikipedia.org)



Le carnage dans la foret de Sweipwald: le feu tue.
A l'autre extrémité du champ de bataille, la 7e division de von Fransecky atteint vers 8h la ville de Benatek. Les 2e et 4e corps autrichiens ont abandonné les hauteurs de Horenowes et ont déplacé leurs avant-gardes de 90 degrés vers l'ouest le long d'une ligne allant de Chlum à Maslowed, ne laissant que 5 bataillons et une division de cavalerie légère pour protéger les approches nord de l'armée. Les troupes de Fransecky continuent à avancer sur Maslowed. Soudain, elles se retrouvent sous un feu nourri venant du bois de Sweipwald. L'avant-garde prussienne commandée par le colonel von Zychlinski cesse son avancée et attend d'être rejointe par les 26e et 66e régiments. La décision est prise d'attaquer Sweipwald et de la nettoyer des unités autrichiennes qui s'y trouvent d'autant que la position leur permet d'attaquer sans risque les forces prussiennes dans le secteur. A 08h30, Zychlinski jette ses quelque 5 000 hommes contre le Sweipwald, obligeant les Autrichiens à se retirer sur les hauteurs boisées. 

L'apparition des Prussiens dans le bois de Sweipwald surprend le 4e corps autrichien du général Tassilo Festitic qui envoie des troupes au coup par coup pour les en chasser. Mais dans la foret l'avantage des Autrichiens, la solidité de leur rang, devient théorique tandis que les fusils à aiguilles prussiens sont dévastateurs à courte portée. A 9h30, trois brigades complètes sont décimées sans avoir obtenu de résultats. Festitic est lui-même blessé et doit quitter le champ de bataille laissant son commandement au général Anton von Mollinary. Ce dernier plutôt que de former une ligne défensive à Maslowed est encore plus déterminé à expulser les Prussiens du bois. Il fait alors appel au 2e corps du général Carl von Thun Hohenstein pour jeter les soldats dans un bois jonché de cadavres.

À 10 heures, la brigade autrichienne du général Emerich Fleischhacker charge à la baïonnette, tambour battant et drapeaux déployés. Toutes les réserves de la 7e division prussienne sont utilisées pour contenir ces attaques suicidaires. Fransecky reçoit de l'aide de la 8e division sur sa droite sous la forme de 2 régiments frais qui arrivent juste à temps pour refouler une fois de plus les Autrichiens à la lisière du bois.

Soldats autrichiens (source: wikipedia.org)



Le tournant: l'arrivée de la 2e armée prussienne.
A 11h à Sweipwald, von Mollinary prépare un nouvel assaut contre la 7e division en utilisant la brigade commandée par Carl von Pockh. Les Prussiens qui font désormais face au tiers de l'armée autrichienne sont épuisés et commencent à se replier dans les bois. A ce moment la bataille prend un tour décisif. Si von Pockh parvient à réussir une nouvelle charge, la 7e division sera en déroute et l'armée du Nord sera en mesure de tourner l'ensemble du flanc gauche prussien. Mais quand les 2 000 hommes de Pockh se lancent à l'attaque ils sont abattu par un feu terrible venant de la direction de Wrchownitz. En quelques minutes, le commandant de brigade est mort et plus de 2 000 de ses hommes sont tués ou blessés. L'avant-garde de la 2e armée prussienne arrive sur le champ de bataille. La 1e division de la Garde avance à marche forcée depuis Dobrawitz et descend désormais les collines en face de Wrchownitz pour prendre de flanc les Autrichiens à Sweipwald. Elle est suivie par la 2e division de la Garde près de Zizelowes tandis qu'au sud-est se trouve le 6e corps du général von Mutius qui marche vers Racitz, la 11e division sur la rive droite de la rivière Trotina et la 12e division sur la rive gauche. Cet ensemble est suivi par le 5e corps qui est malgré tout encore à une certaine distance.

Avec l'arrivée de l'ensemble de la 2e armée prussienne, Benedek réalise l'étendue des dégâts, résultants de la décision de Mollinary et Thun de déplacer leur corps. Pendant les combats de la Sweipwald, le commandement autrichien s'est préoccupé de contre-attaquer contre l'ensemble de la 1ere armée prussienne, mais il n'a pas donné l'ordre au 6e corps de Ramming de combler l'écart qui se creusait sur le flanc droit. Tout ce que Benedek peut faire désormais, c'est de se défendre et d'essayer de sauver son armée. Il ordonne alors aux 2e et 4e corps de reprendre leurs positions initiales entre Chlum et Nedelist. Cela s'avère non seulement difficile, en raison des pertes subies à Swiepwald, mais aussi fatal au moral des troupes qui pensaient avoir remporté la victoire. La retraite tourne vite à la débâcle. Thun lui-même renonce au combat et prend la fuite avec deux brigades en direction des ponts sur l'Elbe.

 L'arrivée de la 2e armée prussienne (source: Wikipedia.org)



La tentative d'enveloppement prussien.
A 13h la 2e armée lance une attaque contre l'ensemble de l'aile droite autrichienne brisant sans difficulté ce qu'il reste du 2e et 4e corps et au sud-est les défenses sur la rivière Trotina. Benedek essaye de tenir, modifiant ses positions et faisant déplacer l'artillerie afin de les soutenir. Le général Friedrich von Hiller-Gartringen, commandant de la 1ere division de la Garde se rend compte que la nouvelle ligne de défense ennemie s'appuie sur les hauteurs de la ville de Chulm où se trouve concentrée une grande partie de l'artillerie autrichienne. Il lance alors ses troupes sur la ville qu'il prend rapidement provoquant la panique dans les batteries d'artillerie adverses. Avec la prise de Chulm, les lignes autrichiennes deviennent intenables, le centre de l'armée n'existe plus et le reste de la troupe est en difficulté. Mais Benedek refuse de changer ses plans.

Sur l'aile gauche prussienne, l'armée de l'Elbe peut enfin avancer face aux Saxons. À 15 heures les 14e et 15e divisions prussiennes capturent Problus et Nieder Prim. Le prince de Saxe, voyant ses positions sur le point de s'effondrer lance une forte contre-attaque pour gagner du temps et permettre ainsi la retraite de l'armée. Le corps d'armée saxon se reforme une dernière fois pour se lancer contre les lignes prussiennes. Une fois de plus l' armée de l'Elbe est stoppée. Bittenfeld préfère alors consolider sa position dans Problus laissant ainsi s'échapper la possibilité d'un double enveloppement de l'armée autrichienne.

Le flanc droit autrichien est alors sur le point de s'effondrer. Maslowed et les hauteurs au nord sont prises par les Prussiens. Le long de la partie inférieure du fleuve Trotina, les cinq bataillons de la brigade Henriquez sont repoussés tandis que les canons autrichiens sont retirés sur une ligne entre Langenhof et Wsestar. La brigade autrichienne du général Carl von Appiano qui se trouve à Chlum est vite emportée par l'attaque prussienne qui s'empare du village. Une brigade de cavalerie, commandée par le capitaine August von der Groeben, essaye d'enrayer la progression ennemie. Mais le feu prussien est si violent quand l'espace de cinq minutes le capitaine et 53 de ses hommes sont tués. A 15 heures Benedek donne l'ordre de retraite générale.

                                   Les Prussiens chargent à la baïonnette (source: wikipedia.org)

La retraite autrichienne.
Mais Mollinary et le commandant du 6e corps, Ramming, décident de passer outre. À 15h15, Ramming prend sur lui d'envoyer en avant deux brigades fraîches pour reprendre Rosberitz et Chlum. Dans le même temps, l'artillerie autrichienne qui s'est reformée à Langenhof redouble l'intensité des tirs pour couvrir ces attaques. Dans une lutte acharnée, la 1ere division de la Garde prussienne est contrainte de quitter Rosberitz pour se replier sur Chlum, poursuivi par les bataillons de la brigade autrichienne du général Ferdinand von Dreuwehr-Rosenzweig. Elle bouscule également la 2e division de la Garde. Il faut l'arrivée de la 11e division pour briser l'attaque autrichienne. La brigade de Rozenweig doit reculer vers Rosberitz. Les 1er et 6e corps autrichiens font encore un effort pour contenir les masses prussiennes, et c'est seulement après avoir subi de lourdes pertes qu'ils sont contraints de faire retraite. 

Seul le feu de l'artillerie autrichienne parvient a retarder les Prussiens victorieux qui avancent toujours pour couper la route de Sadowa à Königgrätz. La bataille est gagnée par les Prussiens mais Moltke ordonne une poursuite car il veut tourner l'armée du Nord pour la détruire complètement. Benedek joue alors sa dernière carte. Il a gardé tout au long de la bataille à l'arrière, à Königgrätz, sa cavalerie de réserve. A 15h, quand il ordonne la retraite il décide de faire appel à elle. Sous le commandement du général Carl Condenove et du prince de Holstein, la cavalerie autrichienne se lance à l'attaque à l'ouest pour briser l'avance des poursuivants prussiens de la 1ére armée du Konprinz. Pendant une demi-heure les cavaliers autrichiens combattent, mettant en déroute la cavalerie prussienne et repoussant l'infanterie ennemie. Cette attaque, combinée aux dégâts causés par les canons autrichiens contraignent Moltke à annuler la poursuite. La cavalerie autrichienne se retire après avoir facilité la retraite autrichienne en direction de l'Elbe. Les derniers combats cessent vers 21h. 

 Un soldat autrichien en 1866 (source: wikipedia.org)

Les pertes subies par les Autrichiens et les Saxons s'élèvent à 1 372 officiers et 43 500 hommes tués, blessés ou disparus, dont près de 20 000 ont été faits prisonniers. Les pertes prussiennes sont beaucoup plus faibles: 360 officiers , 8 812 hommes tués, blessés ou disparus, plus de la moitié d'entre eux venant de la 1ere armée. La disproportion entre le nombre de blessés de chaque camp s'explique par le fait que les Autrichiens n'ont pas signé la Convention de Genève. En conséquence, leur personnel sanitaire est considéré comme des combattants qui doivent faire retraite avec le reste de l'armée autrichienne, laissant beaucoup d'hommes qui auraient pu être soignés sur le terrain sans soins.




Peu de temps après la bataille un armistice est signé entre les adversaires puis la paix à Nikolsburg et Prague en août. Malgré les victoires autrichiennes à Custozza et Lissa l'Italie annexe la Vénétie. Bismarck utilise sa victoire contre l'Autriche pour poursuivre ses objectifs. La Confédération germanique est dissoute tandis que la Prusse annexe le Schleswig-Holstein, le Hanovre, le Kurhessen, Nassau et Francfort sur le Main. Surtout Bismarck met sur pied la Confédération de l'Allemagne du Nord, premier jalon pour une unification allemande sans l'Autriche. Moins de cinq ans plus tard, l'armée de Moltke écrase les Français et Bismarck fonde l'Empire allemand. Le destin du monde germanique est plus généralement de l'Europe entière fut scellé à Sadowa.

Sur le plan militaire la bataille de Sadowa voit l'utilisation de technologies modernes comme le chemin de fer pour le transport et la concentration des troupes ou le télégraphe. Surtout le progrès technique donne à la puissance de feu une place centrale dans la bataille. Les ravages causés par les fusils prussiens et les canons autrichiens rendent obsolètes les charges d'infanterie à la baïonnette ou celle de cavalerie qui dominaient dans les batailles napoléoniennes. Sadowa consacre surtout une stratégie militaire prussienne qui repose sur la reprise du modèle fournie par la bataille de Cannes: une attaque au centre et l'encerclement des ailes de l'ennemie, une stratégie qui fera merveille contre les Français en 1870-1871 et permettra ainsi d'asseoir la domination allemande sur l'Europe jusqu'en 1914.


Bibliographie:
-Gordon Craig, The Battle of Königgrätz, Prussia's Victory over Austria, University of Pennsylvania, 2003.
-Quintin Barry, Road to Königgrätz: Helmut von Moltke and the Austro-Prussian War, Helion and Company, 2010.
-H.M. Hozier, The Seven's Weeks War: The Austro-Prussian Conflict of 1866, Leonaur, 2012.
-Geoffrey Wawro, The Austro-Prussian War: Austria's War with Prussia and Italy in 1866, Cambridge University Press,1997.

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